Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/388

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entre les traits bien conservés d’Hélène et le visage charmant de la malheureuse dame de Bluthaupt.

Mais ce rapport devenait frappant, lorsque le regard quittait la mère pour se reporter sur la fille.

À part la couleur de ses cheveux, Denise était comme un vivant portrait de sa tante. C’était, sur sa jeune figure, la même expression douce et bonne, la même grâce et le même charme. Quand elle souriait, c’était le sourire de Margarethe.

Bien peu de gens avaient pu remarquer cette ressemblance, car la vie de Margarethe s’était passée dans la solitude, et l’on était à Paris, loin de l’Allemagne, qu’elle n’avait jamais quittée. Ceux qui étaient à même de la constater par hasard, ne s’en étonnaient point : ceux-là connaissaient la famille de Bluthaupt, et savaient que cette noble race jetait, pour ainsi dire, tous ses enfants dans un moule pareil.

Ils avaient vu dans les salons du vieux schloss les portraits des filles et des fils de Bluthaupt, qui, depuis des siècles, se ressemblaient d’une façon extraordinaire ; ils avaient vu Gunther, Ulrich, Hélène et Margarethe qui, sauf l’âge et le sexe, avaient tous des traits semblables ; — ils n’étaient pas sans savoir, par ouï dire ou autrement, que la même particularité se reproduisait à un degré plus frappant encore chez les trois bâtards de Bluthaupt, qui expiaient maintenant dans la prison de Francfort le meurtre du sénateur Zachœus Nesmer.

Madame la vicomtesse d’Audemer était habillée un peu en jeune femme, et l’on voyait que, malgré l’heure matinale, elle avait passé du temps déjà devant la glace de sa toilette. Ses cheveux, qui se faisaient rares, étaient arrangés avec recherche ; sa robe, étroitement serrée, combattait, non sans quelque avantage, les développements trop généreux d’une taille qui avait dû être parfaite autrefois. Elle portait, en guise de broche, un médaillon, pareil à celui que nous avons vu jadis entre les mains de Raymond d’Audemer, au bureau des postes de Francfort et dans les profondeurs de la Hœlle.

Ce médaillon renfermait des cheveux de Julien enfant, et le portrait du vicomte. — Hélène gardait un culte tendre à la mémoire de son mari.

Rien qu’à la voir, du reste, on devinait son cœur et son esprit. C’était