Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/444

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Au moment où le jeune de Geldberg mettait la main sur le cordon de la sonnette, la bouche du docteur s’entr’ouvrit, et il laissa tomber deux ou trois paroles comme à contre-cœur.

— Ne vous pressez pas, Abel, dit-il ; le plus prudent serait de savoir…

— Savoir quoi ? s’écria le jeune homme en agitant la sonnette dont le tintement aigre retentit au dehors.

— Savoir au moins le nom de celui que vous chassez, monsieur de Geldberg, répondit le baron de Rodach en élevant la voix légèrement ; — savoir si cet homme est un fou, comme vous dites, ou bien un sage… un mendiant, comme il peut en avoir l’apparence, ou bien un millionnaire…

— Que nous fait tout cela ? interrompit Abel.

Reinhold et Mira se consultaient du regard.

— Savoir encore, reprit Rodach sans se presser, — si cet homme qui apparaît au milieu de vous et malgré vous, n’a point le droit d’entrer comme chez lui dans votre chambre du conseil… savoir enfin s’il n’apporte pas dans une de ses mains de quoi perdre votre maison, fût-elle au faîte des prospérités, et dans l’autre de quoi la sauver, fût-elle sur le penchant de sa ruine…

La porte par où était sorti le caissier Moreau s’ouvrit à ces dernières paroles, et un domestique en livrée s’y montra.

— Ces Messieurs ont sonné ? dit-il.

Le jeune M. de Geldberg étendit sans façon le doigt vers Rodach, afin de le désigner au valet et d’ordonner son expulsion.

Mais, à l’instant où il ouvrait la bouche, le docteur José Mira le prévint en disant brusquement.

— Qu’on défende sévèrement notre porte, et qu’on empêche de monter même les employés de la maison… Sortez !

Le jeune M. de Geldberg demeura bouche béante, et le domestique disparut.

— Maintenant, Monsieur, dit José Mira, qui fit un pas en avant, — soyons bref, je vous prie… Qui êtes-vous et que voulez-vous ?

— Pardieu ! docteur, s’écria Abel en tournant le dos avec dépit, — mon expédient était, je pense, tout ce qu’il y a de plus bref au monde,