Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/475

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ma main. Bien qu’il eût changé de demeure, je le faisais surveiller de près, et je connaissais toutes ses démarches.

» Mon Dieu, le pauvre garçon allait d’un train à se perdre bien vite lui-même, et je n’aurais pas senti le besoin de m’en mêler, s’il ne m’était revenu des bruits très-alarmants par le canal d’un brave homme qui fait mes affaires au Temple.

» C’est une chose fort bizarre, monsieur le baron, et qui mérite d’être rapportée ; il y a dans le Temple tout un noyau formé des anciens serviteurs et vassaux de Bluthaupt… »

— En vérité ! dit Rodach.

— Ils sont au moins deux douzaines, reprit le chevalier, en exagérant un peu pour donner plus de piquant à l’anecdote, — et ce sont tous bonnes gens encroûtés, amoureux de leurs anciens maîtres qui les menaient comme des chiens, et possédés d’une haine stupide contre les propriétaires actuels du schloss… Il est certain qu’ils ne peuvent pas grand’chose ; mais dans telles circonstances données, si par exemple ils pouvaient mettre la main sur le fils de Gunther, leur mauvais vouloir acquerrait de l’importance.

» Actuellement cela me paraîtrait assez difficile, mais, alors notre jeune homme était plein de vie…

» Mon agent, qui est justement comme eux un ancien serviteur de Bluthaupt, était chargé par moi de savoir un peu quels étaient leurs projets et leurs espérances. C’est un homme très-adroit, qui est resté l’ami de ses compatriotes, et qui me vend à bon marché leurs petits secrets.

— Vous l’appelez ? dit négligemment Rodach.

— Johann, répondit le chevalier ; — il demeure rue de la Petite-Corderie, et tient avec sa femme le cabaret de la Girafe, où l’on boit d’excellent vin bleu… Si vous avez, par hasard, quelqu’un à surveiller parmi ce lourd troupeau d’Allemands, je vous recommande Johann : vous en serez content…

— Merci, répliqua le baron, à l’occasion, je pourrai me servir de ce brave homme… Mais, poursuivez votre récit, je vous prie.

— Vers ce temps, reprit Reinhold, Johann avait à me compter les redevances de mes clients du Temple… il vint chez moi et me dit que des