Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/481

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nera plus d’une tempête… Quel peut être ce mystérieux défenseur ?

Le baron ouvrit les deux mains avec ce geste d’épaules qui est un aveu d’ignorance.

— Voyons la fin de la lettre, dit-il.

« Quand l’Allemand m’eut fait ce cadeau-là, il partit comme il était venu, et me laissa couché sur le dos dans le bois de Boulogne.

» On m’a rapporté dans ma mansarde, tant bien que mal ; mais je n’ai pas le sou, mon cher monsieur de Reinhold, et je viens faire appel à votre générosité. »

Le chevalier fit un signe de tête énergiquement négatif.

« Vous savez bien ce que vous m’avez promis, poursuivait la lettre de Verdier. En définitive, c’est pour vous que j’ai attrapé ce coup d’épée, et vous me devez bien une indemnité ; d’ailleurs, une autre fois, nous serons plus heureux.

» En attendant votre visite ou l’avantage de votre réponse, mon cher monsieur, je me dis votre bien dévoué.

» J.-B. VERDIER,
» 9, rue Pierre-Lescot. »

Le baron déchira la lettre en tout petits morceaux, et les jeta au feu, en ayant soin de garder dans le creux de sa main le carré où se trouvait l’adresse de Verdier.

Cela fait, il croisa ses bras, et se renversa dans son fauteuil.

Reinhold était tout à fait déconcerté. Ce coup le blessait à l’improviste, et venait le frapper au milieu de son triomphe. Il n’était pas homme de grande ressource, et n’agissait guère que d’après les suggestions d’autrui. En ce moment, il n’avait pas une idée ; son esprit épouvanté voyait vaguement tout un avenir de luttes nouvelles et de dangers renaissants.

L’enfant, qu’on avait cru si faible et si facile à écraser, avait derrière lui des protecteurs inconnus !…

Et il fallait que ces gens fussent puissants et zélés pour avoir découvert la trame qui menaçait le dernier Bluthaupt.

Et s’ils étaient puissants, pouvait-on espérer qu’ils se borneraient longtemps à la défensive ?