Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/484

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point, eussiez-vous même été ce que je craignais, je me serais encore appuyé sur vous de bon cœur, tant je méprise ces pauvres gens que vous venez de voir !…

— Vos associés ?

— Mes associés, répliqua le docteur avec un gros soupir ; hélas ! oui, monsieur le baron !

La glace était rompue. Mira le taciturne se sentait des paroles plein le gosier ; il n’avait plus que l’embarras de choisir.

— Mais nous reviendrons à ces messieurs, reprit-il ; j’en étais à parler de vous, et je disais qu’au premier moment je vous avais pris pour un envoyé de nos ennemis… peut-être pour un de nos ennemis en personne… Mais tous mes soupçons se sont évanouis l’un après l’autre. Depuis que vous avez passé le seuil de cette chambre, je vous examine avec un soin scrupuleux ; ce que j’ai vu, ce que j’ai deviné me donne confiance… Si la maison de Geldberg peut encore être sauvée, c’est assurément vous qui la sauverez !

Rodach salua silencieusement.

— Votre intérêt vous y porte, poursuivit le docteur ; et cela me réjouit véritablement de voir enfin un homme parmi nous !

— Dois-je penser que vous avez des sujets de plainte contre ces messieurs ? demanda le baron.

— J’ai mieux que cela, répondit don José en baissant la voix ; — je les déteste et je les méprise… Ne vous étonnez pas, monsieur Rodach, si je ne ménage nullement mes expressions vis-à-vis de vous ; je veux que la maison soit sauvée, et il me paraît indispensable que vous sachiez à quoi vous en tenir sur les associés de Geldberg… Le vieux Moïse, comme vous le savez, vit tout à fait retiré de ce monde : c’était une tête bien organisée pour le commerce, mais Dieu sait à quoi il s’occupe maintenant ! il ne faut plus compter sur lui. Son fils Abel est un pauvre garçon, orgueilleux et faible, myope d’esprit, mou, fat et gâté par le hasard qui lui a donné une certaine réputation d’habileté parmi les niais de la Bourse.

— Vous me semblez sévère, dit le baron.

— Je suis juste !… Monsieur le chevalier de Reinhold serait un homme assez complet, si le sort l’eût laissé à sa place d’aventurier vulgaire… Il