Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/492

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— Je n’ai point parlé de cela devant ces messieurs, reprit-il, — parce qu’ils ont baissé pavillon tout de suite, et que la menace m’a paru superflue vis-à-vis de gens qui s’avouaient vaincus d’avance… À vous, monsieur le docteur, je vous en parle, mais froidement, remarquez-le bien, et sans intention de vous effrayer… La preuve, c’est que je vous dis volontiers tout de suite que je ne suis pas éloigné d’accepter votre alliance.

Le front de Mira s’éclaircit un peu.

— Pourrait-on savoir ce que contient cette cassette ? murmura-t-il avec un reste de crainte.

— Je n’ai nulle raison pour en faire un mystère… Elle contient des lettres de vous, monsieur le docteur, datées du château de Bluthaupt en 1823 et 1824… Ces lettres sont rédigées, je dois le dire, avec une extrême prudence, mais elles se trouvent expliquées ou à peu près par d’autres lettres de Van-Praët, du Madgyar, de M. de Reinhold et de Mosès Geld lui-même, écrites à diverses époques…

— Et comment avez-vous pu vous procurer tout cela ? murmura le Portugais.

— C’est la chose du monde la plus simple… Zachœus Nesmer était votre associé à tous, mais non votre ami… Il vivait incessamment dans la pensée qu’un conflit pouvait, d’un jour à l’autre, s’élever entre vous… et, depuis la première heure de votre association, il préparait des armes pour le moment de la bataille.

— Depuis plus de vingt ans ! dit Mira…

— Mon Dieu oui… ces têtes germaniques ont la bosse de la prudence… Si jamais nous en venons à une discussion, docteur, je vous donnerai des détails beaucoup plus satisfaisants sur le contenu de ma cassette, car je suis loin de vous en avoir fait l’inventaire complet… Mais aujourd’hui, nous sommes en paix et nous pouvons reprendre notre négociation sans nous préoccuper d’un cas de guerre qui pourra ne jamais venir.

Le docteur avait compté d’abord sur une réussite tout aisée ; puis il avait presque désespéré, tant la batterie démasquée tout à coup par son adversaire lui avait semblé redoutable. Maintenant, il reprenait espoir ; ces armes, si terribles qu’elles fussent, Rodach hésitait à s’en servir ; donc, il avait un intérêt à ne point entamer la guerre.