Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/499

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La figure d’Abel s’éclaira.

— Parbleu ! s’écria-t-il, je suis enchanté de vous entendre parler ainsi, cher monsieur… ces deux êtres me pèsent plus encore que je ne puis le dire !… et il me sera, au contraire, infiniment honorable d’avoir pour associé un homme tel que vous !

Rodach salua.

— Je ne fais pas ici de compliments, poursuivit le jeune homme, — et, pour vous donner une preuve de la profonde confiance que j’ai en vous, je suis prêt à remettre entre vos mains cette affaire Van-Praët, qui est tout l’avenir de la maison… Consentiriez-vous à vous en charger ?

— Très-volontiers, — répliqua Rodach. — Nos intérêts sont ici évidemment les mêmes, et certaines connaissances que j’ai pu tirer de Zachœus Nesmer, mon ancien patron, me donneront, je l’espère, quelque autorité auprès de votre correspondant hollandais.

Abel eut un sourire où il tâcha de mettre beaucoup de finesse.

— J’ai bien compté un peu là-dessus, dit-il ; malgré mon ignorance de tous vos secrets, je fais mes petites observations, et j’agis en conséquence.

— Zachœus me l’avait dit bien souvent, riposta Rodach avec son grand sérieux ; — le jeune monsieur de Geldberg a un mérite au-dessus de son âge…

Abel prit cet air trop modeste où perce la naïveté de l’orgueil.

— Pur compliment ! murmura-t-il ; mais entendons-nous pour l’affaire de Van-Praët… Nous sommes au lundi, il faut deux jours pour recevoir des lettres d’Amsterdam… Si vous n’êtes pas chez Van-Praët jeudi, 8 février, dans la matinée, le contre-ordre n’arrivera pas à temps.

— Rien ne m’empêche, répliqua Rodach, d’être chez Van-Praët jeudi dans la matinée.

— Vous n’avez pas d’affaires à Paris ?

— Aucune ; j’arrive.

Abel se frotta les mains.

— C’est au mieux, s’écria-t-il ; j’avais peur de quelque obstacle ; mais maintenant j’ai votre parole et je ne crains plus rien… j’ai vu tout à l’heure, dans notre chambre du conseil, la manière dont vous traitez les affaires… et je parierais ma tête que vous aurez un plein succès !