Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/523

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Le chevalier se sentit un frisson par tout le corps. C’était comme une malédiction mystérieuse qui passait en lui ; — mais il demeura froid et obstiné dans sa cruauté lâche.

Madame Regnault tremblait et chancelait ; sa poitrine oppressée rendait des plaintes déchirantes.

Et pourtant elle espérait encore.

Elle se laissa tomber sur ses deux genoux.

— Écoutez-moi, dit-elle d’une voix qu’on entendait à peine : si vous vous repentez, Dieu vous pardonnera… Jacques, mon fils, ayez pitié de vous-même !

Comme Reinhold ne répondait point, elle se traîna vers lui, sur ses genoux, en sanglotant.

À mesure qu’elle avançait, Reinhold se reculait : en se reculant, il atteignit la porte des bureaux.

Il mit la main sur le bouton ; il fut une seconde avant d’ouvrir.

— Mon fils !… mon fils !… murmura la pauvre mère en un suprême gémissement.

Reinhold avait les sourcils froncés, et tous ses traits se retiraient convulsivement. Y avait-il un combat au-dedans de son âme ? — Au bout d’une seconde un sourire impitoyable vint à sa lèvre.

— Je ne vous connais pas, dit-il pour la troisième fois.

Et la porte, ouverte avec violence, retomba sur lui.

La mère Regnault était seule.

Elle se releva toute droite et gagna la porte opposée d’un pas ferme. Elle traversa sans chanceler la première antichambre et la cour.

Mais, une fois dans la rue, cette vigueur factice s’évanouit tout à coup ; elle tomba, brisée, sur une des bornes plantées en terre à la porte de l’hôtel.

Sa bouche s’ouvrit ; ce ne fut point pour maudire.

— Mon Dieu ! murmura-t-elle, avec ce qui lui restait d’ardeur, — punissez-moi et prenez pitié de lui.

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Il y avait à l’hôtel de Geldberg un vaste et beau jardin, dont le mur d’enceinte longeait la rue d’Astorg et l’étroit passage menant à la