Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/562

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petites affaires… Maintenant, il faut que j’aille faire un peu de toilette, car je suis venue au saut du lit, et il me semble que je sens le café Anglais d’une lieue.

Elle baisa encore Esther, comme si elle l’eût aimée de passion, et son pas gracieux se dirigea vers la porte vitrée.

Elle sortit. Au moment où la porte retombait sur elle, Esther, qui venait de s’allonger, plus indolente, dans son fauteuil, entendit comme un cri étouffé dans le corridor.

Elle se redressa étonnée, et mit ses deux mains sur les bras rembourrés de son siège pour se lever et aller voir. Mais comme on n’entendait plus rien, sa nonchalance prit le dessus ; elle s’étendit de nouveau paresseusement, et ferma les yeux dans un demi-sommeil.

La conversation récente avait porté ses pensées vers le baron de Rodach ! l’image du bel Allemand vint visiter sa rêverie…

Le cri qu’elle venait d’entendre avait été poussé par Petite elle-même, qui, de l’autre côté de la porte vitrée, s’était trouvée face à face avec un homme.

La nuit tombait rapidement, mais la lumière d’une fenêtre voisine éclairait le visage de l’étranger, et Petite avait reconnu en lui au premier coup d’œil, le baron de Rodach.

— Albert !… s’écria-t-elle effrayée.

Et son effroi n’était point joué, car cette femme qui bravait tout tenait à passer pour une sainte aux yeux de la foule, et surtout aux yeux de son père. L’hôtel de Geldberg était pour elle comme un sanctuaire, à la porte duquel restait son audace.

Rodach, de son côté, l’avait reconnue pour la femme rencontrée, la veille au soir, en face du Temple.

Il était là depuis quelques minutes seulement, et le hasard l’y avait conduit comme nous l’avons expliqué dans notre précédent chapitre.

Parvenu vis-à-vis de cette porte vitrée, il avait entendu son nom, et involontairement il avait prêté l’oreille, avant de retourner sur ses pas.

Le bruit de la conversation était bien arrivé, confus, jusqu’à lui, mais il n’avait point pu en saisir le sens.

Il allait chercher à retrouver sa route, lorsque madame de Laurens ap-