Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/586

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rent intactes à la jeune fille, sauf les deux dernières, dont le secret fut violé par madame de Laurens.

Ces lettres échangées ressemblaient à leurs entretiens d’autrefois, ils ne parlaient guère de leur amour. Bien qu’ils fussent l’un à l’autre de cœur, ils ne se connaissaient point, parce qu’Otto avait toujours éloigné le chapitre des confidences.

Lia ne connaissait que le prénom de son amant ; Otto croyait, comme les bonnes gens des environs d’Esselbach, que Lia était la fille de Rachel Muller…

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Il y avait six semaines que Lia n’avait reçu des nouvelles d’Otto. Elle avait passé la journée entière seule avec son souvenir ; mais elle s’attendait à tout plutôt qu’à le revoir. Le baron de Rodach, de son côté, entraîné par les événements qui s’étaient succédé depuis la veille, n’avait pu donner suite à son projet de rejoindre madame Batailleur. Il comptait se rendre dans la soirée chez la marchande du Temple, afin de connaître la demeure de Lia.

Cette rencontre était pour lui aussi imprévue que pour la jeune fille.

Mais, dans le premier instant, ils ne réfléchirent ni l’un ni l’autre, et se donneront sans réserve au bonheur de se retrouver, après la longue absence.

Rodach contemplait Lia, qui renversait sa tête en arrière pour élever jusqu’à lui ses regards charmés ; il s’étonnait de la revoir plus belle. Les yeux de la jeune fille, humides et brillants, ne pouvaient point se détacher de lui ; elle se pendait à son cou, confiante et ravie.

— Je croyais que vous m’aviez oubliée, Otto ! dit-elle enfin ; mon Dieu ! que je souffrais !… mais vous voilà… vous vous êtes souvenu de moi… je suis bien heureuse !…

Rodach mit un baiser sur son front ; il gardait le silence, mais ses regards parlaient.

Tout à coup Lia se dégagea de ses bras.

— Vous cachez-vous encore ? demanda-t-elle.

— Oui, répondit Rodach.