Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/668

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fâché… Nous tenons nos deux lurons et ça vaut bien un peu de peine.

Reinhold tâcha d’obéir et fit tous ses efforts pour sourire, ne fut-ce qu’un petit peu ; mais le malheureux avait eu trop grand’peur : sa crainte resta lisible sur son visage et il baissa l’œil de nouveau, pour ne point voir ses persécuteurs.

Mâlou et Pitois s’étaient assis à côté de lui ; Johann vint se mettre en quatrième.

— La mère ! cria Mâlou, du Jamaïque, première, et cacheté… vivement !

On apporta une bouteille de rhum ; Mâlou versa et mit sa main sans façon sur le genou du chevalier.

— Eh bien ! mon vieux, dit-il, ça n’a pas l’air de vous avoir fait plaisir, ces petites gaudrioles ?… il n’y a pas pourtant de quoi renauder (se fâcher).

— Faut pas se taquiner pour ça, ajouta Blaireau qui mit sa main noirâtre sur l’autre genou du chevalier.

Celui-ci les regarda en dessous tour à tour.

— Parlons raison, reprit Mâlou…

— C’est ça, interrompit Blaireau.

— Si tu bavardes toujours, toi, dit Mâlou, ça ne va pas marcher.

Pitois fit un signe d’assentiment docile et se renferma dans un modeste silence.

— Comme ça, poursuivit Mâlou, le père Johann dit que vous avez besoin de deux sans-peur pour maquiller (arranger) quelque chose, là-bas, en Allemagne… Si c’est bien payé, ça nous va… pas vrai, Blaireau ?

Blaireau secoua la tête gravement.

— Ça veut dire : Oui, reprit encore Bonnet-Vert en traduisant pour l’usage de Reinhoid le mouvement de son frère d’armes : — c’est comme ça que Blaireau parle quand on l’a prié de se taire… C’est donc bien entendu, ça nous chausse… Dans notre position, il n’y a pas de mal à faire un petit voyage de santé à l’étranger… seulement, il faut convenir du prix : êtes-vous disposé à billancher (payer) comme il faut ?

Reinhold en était toujours à faire effort pour se remettre du choc éprouvé.