Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/702

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Jean se sentit venir la chair de poule en songeant que c’était peut-être le marchand d’habits lui-même qui allait lui ouvrir la porte.

Et il n’osait point redoubler son appel.

Pendant qu’il hésitait à frapper une seconde fois, son oreille tendue cherchait à deviner ce qui se passait à l’intérieur de la maison.

Il entendait bien quelque chose au delà de la porte : c’était comme le double murmure d’un intime et discret entretien ; mais à la traverse dû ce bruit, un autre bruit venait qui empêchait Jean de conjecturer, ou du moins d’être sûr.

Cet autre bruit arrivait on ne savait d’où ; il était faible, il était sourd, il ne cessait jamais.

Jean habitait la maison depuis son enfance, et il ne connaissait aucun métier qui pût produire ce son persistant et continu.

S’il avait été dans le voisinage d’une prison, il aurait cru entendre quelque condamné grattant la maçonnerie de sa cellule et tâchant de percer un mur.

Ses yeux ne pouvaient point venir en aide à ses oreilles. L’étroit palier qui précédait la demeure de Hans était plongé dans une obscurité complète. — Le bruit continuait. Il y avait des instants où Jean croyait qu’en étendant la main il allait saisir ce travailleur nocturne qui minait la muraille.

D’autres fois, il ne savait plus d’où partait le son ; il ne savait plus ce qu’était le son. — La nuit, on entend parfois de ces mystérieux murmures qu’on ne peut expliquer ni définir. Dix-neuf fois sur vingt, ils ont la cause la plus naturelle du monde ; mais celui qui les écoute et qui cherche à deviner fait presque toujours appel à son imagination. C’est alors tout un roman bâti à la minute sur la pointe d’une aiguille.

Le lendemain matin, le roman s’évanouit, le drame s’affaisse. C’était une girouette qui tournait, une porte mal close qui battait au vent, un chien qui grattait, un épicier trop âpre à la besogne qui avait choisi l’heure effrayante de minuit pour casser un pain de sucre en petits morceaux…

Jean n’était point dans cette situation tranquille qui permet à l’esprit de faire la chasse aux hypothèses, mais ce bruit l’intriguait malgré lui et