Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/735

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Elle s’élançâ heureuse et légère vers la porte de Hans Dorn qu’elle ouvrit précipitamment. Elle entra ; Denise la suivait de près.

Franz était debout derrière la porte. Il fut pris à l’improviste, et demeura comme interdit.

— Denise ! balbutia-t-il. Mademoiselle…

Il prit la main que la jeune fille lui tendait, et n’osa pas même la porter à ses lèvres.

Il était dans un de ses accès de timidité. Tout à l’heure, au beau milieu de son impatience, une pensée lui avait traversé l’esprit, une de ces pensées qui mettent une rougeur épaisse au front des enfants orgueilleux ; un coup de foudre, la crainte de paraître ridicule aux yeux de la personne aimée.

Et souvenez-vous de vos jeunes ans ; ce n’est pas là un petit malaise, c’est une angoisse profonde qui vous terrasse plus vite et plus rudement que le malheur sérieux !

On se souvient d’une parole malencontreuse, d’un geste maladroit, d’une gaucherie ; la poitrine se serre, la sueur perle aux tempes ; on souffre, et le remords lui-même n’est pas plus cuisant que cela.

La porte s’était ouverte au moment même où Franz se débattait contre l’aiguillon subtil de cette honte qui trouve si bien le chemin des cœurs adolescents. Il se souvenait, le malheureux, et il avait la fièvre. Cette entrevue de la veille, dent naguère encore il gardait si chèrement la mémoire, lui apparaissait désormais odieuse.

Quel rôle, bon Dieu ! quel pitoyable rôle ! c’est dans tous les vaudevilles et dans les plus niais, un grand garçon qui menace de mourir, qui extorque un aveu, et qui ne meurt pas !

Car la chose est tombée dans le domaine banal ; on sait que le grand garçon ne meurt jamais ; on le sait ; les bourgeois en rient.

Franz aurait voulu être mort.

Quand Denise parut sur le seuil, au lieu de se réjouir, il lui prit envie de se cacher.

S’il eût rencontré en ce moment le malin sourire de Gertraud, nous ne saurions dire à quelles extrémités son désespoir aurait pu le pousser.