Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/745

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Il s’arrêta pour sourire. Denise avait les yeux humides.

— Oh ! certes, s’écria Franz gaiement, je ne songeais point en ce temps-là aux obstacles qui nous séparaient… je ne songeais à rien qu’à vous trouver belle et à vous adorer de loin… n’ai-je pas du bonheur, Denise ! je n’ai vu le danger qu’au moment où ma bonne étoile me donne une victoire facile… J’avais bien entendu dire que le chevalier de Reinhold avait obtenu de madame d’Audemer la promesse de votre main, mais j’évoquais par le souvenir votre front si pur, vos grands yeux bleus et cette blonde auréole que je vois dans mes rêves : vos longs cheveux, Denise, qui font un doux cadre à votre joue, je mettais tout cela auprès du visage grotesque de M. de Reinhold et je me disais : C’est impossible…

Franz s’interrompit encore, ses yeux se baissèrent, il devint pâle.

— Mon Dieu ! murmura-t-il en frissonnant, il paraît que c’était possible !… Mais pourquoi s’attrister ? ajouta-t-il en secouant la mélancolie qui le reprenait. Denise, Denise ! nous n’avons plus rien à craindre !… Vous ne savez pas tout, votre frère est mon ami ; dans quelques jours, quand je vais avoir appris le nom de mon père, ce sera sous les auspices de Julien que je me présenterai à madame la vicomtesse d’Audemer.

Denise ne répondit point, mais la joie peinte sur son visage parlait. Elle remerciait Dieu dans son âme.

Elle était aussi persuadée que Franz. Chaque mot de ce dernier lui enlevait un doute. En entrant dans la maison de Hans Dorn, c’est à peine si elle avait eu une vague espérance ; maintenant la crainte lui semblait impossible.

Le temps passait, elle oubliait la vieille Marianne qui l’attendait dans la voiture ; elle oubliait tout, elle s’endormait dans la quiétude de son bonheur.

Franz avait passé son bras autour de sa taille ; la tête de Denise, inclinée et pensive, s’appuyait doucement à l’épaule de Franz.

Ils auraient pu rester ainsi de longues heures, car un instinct secret éloignait d’eux, à leur insu, l’idée de la séparation. Ce fut Gertraud qui les éveilla.

La jolie brodeuse venait d’achever la collerette qui avait motivé la