Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/759

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À de rares intervalles, des mains d’hommes s’étaient montrées à cette petite fenêtre.

Personne, parmi les habitués de la maison, n’avait su percer le mystère de cette loge dont nous avons parlé déjà. On l’appelait le confessionnal de la princesse. On s’en occupait énormément, et Dieu sait toutes les suppositions qui se faisaient à l’entour !

Les joueurs heureux la lorgnaient en souriant, comme si elle eût caché quelque divinité favorable ; les malheureux lui jetaient des regards irrités et l’accusaient de leur chance mauvaise. Ceux que la superstition du jeu ne tenait point s’accordaient à penser qu’il y avait derrière ces rideaux fermés toujours, un ou plusieurs grands personnages.

Et cette énigme, qui restait éternellement insoluble, ne nuisait en rien à l’achalandage de la maison ; au contraire, c’était un attrait de plus. Cette main blanche, qui maniait tant de billets de banque, fascinait les plus froids ; il y avait des gens qui ne venaient que pour la loge et dont toutes les paroles étaient à l’adresse de la loge.

Ceux-là voyaient au travers des rideaux de soie, les uns une ravissante figure, les autres un vieux visage de duchesse millionnaire.

Et chacun se mettait en frais pour conquérir son rêve.

On voulait séduire la princesse, et l’histoire de Franz, appelé dans le confessionnal, prouvait du moins que l’espoir des habitués n’était pas tout à fait une chimère…

Il pouvait être dix heures et demie du soir. Le personnel de la maison était au grand complet. M. de Navarin, ancien officier supérieur, occupait son poste à droite de la loge, à côté de lui était la caisse, et de l’autre côté de la caisse se tenait l’homme qui taillait.

M. de Navarin était un personnage à l’air doux et martial à la fois. Il avait des façons graves, dignes, courtoises, et sa manière de jeter le râteau à la pêche des louis d’or sur le tapis indiquait un bien bon gentilhomme.

Son emploi était multiple. À part l’office important de banquier, qu’il remplissait à la satisfaction générale, sa moustache grise était spécialement chargée d’imposer aux joueurs turbulents ou mal appris qui prétendaient discuter les arrêts du sort. En cas d’alerte, il avait en outre mission