Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/772

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C’était par cette pièce qu’on entrait dans le confessionnal ; c’était là également que le confessionnal pouvait être roulé en cas d’alerte.

Petite avait ouvert la porte d’avance, et se tenait sur le seuil ; son visage exprimait une singulière agitation. Dès que madame de Saint-Roch apparut, précédant le baron, Petite l’arrêta d’un geste impérieux.

— C’est bien, ma bonne Batailleur, dit-elle ; laissez-nous.

La marchande, déguisée en baronne, s’arrêta et fit volte-face. M. de Rodach, qui la dépassait en ce moment, se retourna au nom de Batailleur avec vivacité, la marchande était déjà au bout du couloir, qu’il demeurait immobile et les yeux fixés sur la porte par où elle avait disparu.

Cette circonstance n’échappa point à Petite, et, sans qu’elle sût pourquoi, son trouble s’en accrut.

Madame de Saint-Roch, au contraire, ignorant l’effet que son nom avait produit, rentrait fort tranquillement dans la salle de jeu et replaçait entre les bras de son fauteuil sa taille rondelette, emmaillotée de soie.

— Où diable l’a-t-elle conduit ? demanda Mirelune au vaudevilliste.

Ficelle montra du doigt la loge.

— Tiens ! tiens ! murmura le gentilhomme. C’est une idée… je donnerais décidément quelque chose pour savoir si la main blanche appartient à la marquise ou à la comtesse…

— Quelle scène on aurait là !… dit Ficelle ; le diable, c’est qu’on ne pourrait pas mettre ce confessionnal au théâtre !…

Ce fut tout. Le silence régnait maintenant autour de la table ; le jeu marchait ; la distraction n’était plus de mise.

Quand le baron de Rodach fut las de contempler la porte par où Batailleur était sortie, il se tourna vers madame de Laurens et lui baisa la main avec une grave courtoisie. L’agitation de Petite était loin d’être calmée ; ses sourcils se fronçaient et le rouge lui montait au visage. Ce trouble qu’elle ne savait point dissimuler faisait ressortir la sérénité calme qui brillait sur la belle figure de Rodach.

— Charmante dame, dit-il en se redressant, je pense que vous ne m’attendiez pas.

Les yeux de Sara se baissèrent ; elle fut deux ou trois secondes avant de répondre.