Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/248

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Sa marche, qui naguère se traînait avec lenteur, était légère et vive ; il fredonnait, sans savoir, un couplet de la petite chanson que Gertraud avait coutume de chanter, en suivant les points délicats de sa broderie.

Tout à coup, il se tut pour prêter l’oreille ; sa chanson avait, quelque part, au dessous de lui, au milieu des taillis noyés encore dans la brume, comme un faible et mystérieux écho.

Il s’arrêta pour écouter mieux.

La route avait tourné de nouveau et il se trouvait de l’autre côté de la perrière, à un quart de lieue environ du château.

Devant lui, sur la droite, à quatre ou cinq cents pas, les masures du nouveau village de Bluthaupt montraient leurs toits rustiques, parmi la brume ; sur la gauche, il ne voyait que des roches entassées confusément, au delà desquelles s’étendaient les bois qui faisaient le tour de la montagne, rejoignant par une ligne circulaire les ruines de l’ancien village et la route d’Obernburg.

À l’endroit même où il se trouvait, de grandes pierres déchiquetées et moussues, entre lesquelles croissaient quelques pins rabougris, s’amoncelaient, çà et là, sur le bord inférieur de la perrière.

La route coupait en biais sur la pente trop rapide de la montagne ; mais un petit sentier taillé à pic, qui semblait fait pour desservir quelque demeure invisible, descendait directement vers les grandes roches confinant à la forêt.

Franz s’était arrêté au point de jonction du petit sentier et de la route principale.

Il y avait sur son visage de l’étonnement, de la joie et de l’inquiétude.

La voix qui avait répété sa chanson partait d’en bas, l’écho devait être caché parmi les roches ou sur la lisière de la forêt.

C’était une voix fraîche et jeune ; et vraiment, si ce n’eût été folie, Franz aurait cru reconnaître, dans la chanteuse, la jolie fille de Hans Dorn.

Mais le moyen de penser !…

Le premier couplet se termina par certaine roulade que Gertraud attaquait à merveille et qui fit tressaillir Franz, comme s’il eût vu à trois pas de lui le minois souriant de la gentille brodeuse.