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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/265

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On vit s’ouvrir une large trouée dans le taillis, et la pesante masse disparut parmi les arbres.

Hans Dorn, Gertraud et Franz demeurèrent un instant comme pétrifiés ; ils n’avaient plus ni souffle ni parole ; leurs yeux, grands ouverts, restaient cloués, par une sorte de fascination, à la trace béante que la pierre avait laissée au bord du taillis.

Cela dura quelques secondes, au bout desquelles Franz, recouvrant sa liberté d’esprit tout à coup, leva son regard vers la place vide où reposait naguère la Tête-du-Nègre.

C’était maintenant une petite plate-forme, entourée de roches de médiocre grosseur, que séparaient d’étroites fissures.

— Ma foi, dit Franz, nous l’avons échappé belle !… un pied de plus à gauche, nous étions lancés lestement dans l’autre monde !

— Vous n’êtes pas blessé, monsieur Franz ? balbutia Gertraud, dont la joue était plus blanche que le linge de sa collerette.

— Oh ! les coquins maudits ! murmura Hans Dorn qui avança la tête en dehors du seuil pour regarder à son tour l’endroit d’où la Tête-du-Nègre avait été précipitée.

Son œil resta fixé longtemps sur l’étroite plate-forme.

— Ils se sont enfuis, reprit-il, et Dieu nous a protégés encore une fois, monsieur Franz !

— Vraiment, répliqua celui-ci en retrouvant toute l’allègre franchise de son sourire ; voici une chose qu’on ne peut pas traiter de bagatelle ! En notre vie, je ne crois pas que nous voyions jamais la mort de plus près.

Le marchand d’habits et la jeune fille se signèrent.

Franz prit un air sérieux pour les imiter.

— Je remercie Dieu de vous avoir épargnée, petite sœur, dit-il, car, malgré ma bonne volonté, je n’étais pas de force à vous défendre.

Hans avait toujours les yeux fixés sur la plate-forme ; son émotion le rendait muet.

— Allons, allons, père Hans ! dit le jeune homme en changeant de ton brusquement ; ne regardez pas tant de ce côté, et surtout n’abusez pas de l’argument que le hasard vous donne !… je devine tout ce que votre