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D’un côté du clos Pardaillan, il y avait une belle et plantureuse allée de tilleuls qui rejoignait le grand verger du couvent, de l’autre c’était un parterre qui, à cette époque de l’année, semblait un immense bouquet de fleurs. L’air était chargé de parfums et semblait lourd malgré l’heure matinière.

Du haut du perron, Guezevern fouilla l’ombre de l’allée, d’abord, puis les massifs de roses et de chèvrefeuilles. Il ne vit rien. Il écouta : on ne chantait plus.

« La maligne pièce va-t-elle me mettre en pénitence ! » pensa-t-il.

Celui-là n’était pas un amoureux languissant et ne parlait point de sa dame en ces termes dévots, qui faisaient pâmer les ruelles, ce qui ne l’empêchait pas d’aimer bien, et de tout cœur.

« Éliane ! » prononça-t-il tout doucement.

Point de réponse.

Les papillons voltigeaient, les oiseaux babillaient, la brise mettait des murmures doux dans la cime déjà dorée des tilleuls ; les fleurs épandaient leurs parfums épais et chauds : c’était tout.

Guezevern fronça le sourcil, et, quand il fronçait le sourcil, sa figure devenait mauvaise. Éliane le lui avait dit une fois en ajoutant, car elle était vaillante encore plus que jolie :

« Maître Pol, il faut bien que vous sachiez cela ; vous n’êtes pas capable de me faire peur ! »

Il est vrai que l’instant d’après, elle lui avait tendu son front souriant et plus blanc que les bouquets de reines-marguerites qui tranchaient parmi les œillets rouges et les campanules bleues.

C’était une chère enfant, si bonne aux malheureux et si doucement secourable dès que le cœur soufrait !

En vérité, s’il était vrai de dire qu’Éliane n’avait pas peur de maître Pol, maître Pot, au contraire, avait grand’peur d’Éliane.

Il la querellait pourtant le Bas-Breton qu’il était ; bien souvent, ces diables de sourcils qui lui donnaient l’air mauvais se fronçaient : mais comme il implorait bien son pardon, quand la colère était passée !

Autant vaut vous dire tout de suite comment Éliane et maître Pol étaient ainsi devenus une paire d’amis.

Quelques deux ans auparavant à la fin de l’hiver de 1620, maître Pol-Yves-Vénolé de Guezevern qui arrivait du manoir paternel, situé dans l’évêché de Quimper, avait déjà l’honneur d’être page de César, duc de Vendôme, gouverneur de Bretagne. Je ne sais pas s’il avait pris ses instincts au pays bas-breton, mais c’était le plus méchant sujet qui fût en la maison du fils de Henri IV, laquelle avait la réputation de servir d’asile aux plus méchants sujets de l’univers. Il était joueur, querelleur, coureur, buveur et coupait même volontiers, selon la mode du temps, quelques bourses aux abords du Pont-Neuf.

Personne n’ignore que ce n’était pas un péché de tirer l’escarcelle d’un bourgeois assez criminel pour