Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/101

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affaires. Voilà qu’il est une heure du matin, ce n’est pas la peine de nous coucher ; à quatre heures, il faut que nous soyons sur la route de Boulogne.

— J’ai sommeil, dit le petit, qui bâilla pour la seconde fois et s’étira paresseusement sur son canapé.

— Notre sûreté exige…

— Laisse donc ! qui diable veux-tu qui vienne nous dénicher ici ?

— On a vu des choses plus étonnantes que cela !

— Bah ! tu me l’as dit vingt fois toi-même : il y a deux endroits pour se cacher, Paris et la Forêt Noire !

— Mais tu étais décidé à partir ? fit le baron qui se rapprocha.

— J’ai changé d’avis, voilà tout, prononça sèchement Bénédict.

— Tu ne veux plus ?

— Si fait…, mais pas cette nuit.

— Pourquoi cela ?

— J’ai mes raisons.

— Quelque folie ! s’écria l’aîné avec mauvaise humeur.

— C’est possible, répondit le cadet, mais je suis mon maître et libre de faire des folies, si c’est mon idée.

Le baron fit effort pour contenir la colère qui déjà grondait en lui.

— Voyons, dit-il avec rudesse, mais sans perdre son calme, dis-nous ce que Satan t’a mis en tête ; parle !

— Eh bien, vieux William, répartit Bénédict, ne nous fâchons pas encore pour cette fois-ci, je le veux bien ; il y a peut-être un bon coup ou deux à faire à Londres, depuis le temps. Je vais te donner mes raisons absolument comme si tu avais le droit de me demander des comptes. D’abord, nous n’avons rien à craindre ici ; pas un de nos hommes ne sait où nous sommes ; tous ignorent que nous parlons anglais comme père et mère, en vrais cokneys de la Tamise que nous sommes, puisque tu as l’honneur d’être un enfant