Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/119

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terrible, la seule route pouvant conduire à un consentement immédiat.

Il avait si admirablement joué à l’homme d’argent, ce petit marquis, que la première parole de sa mère fut celle-ci :

— Je crains, en vérité, oui, je crains, mon enfant, que cette idée de fortune ne vous tienne un peu trop fortement… dans le mariage, songez-y bien, la fortune n’est pas tout.

— J’aime la fortune, madame.

— Sans doute, mais la femme…

— Madame, ce n’est pas une femme…

— C’est un ange ?

— Oui, madame.

— À la bonne heure ! voilà enfin un mot raisonnable. Eh bien Gaston, sonnez : je vais me lever… Nous verrons… nous réfléchirons…

Au lieu de sonner, Gaston alla prendre sur la console un de ces bijoux en bois de rose qu’on appelle des papeteries. Il plaça sur la couverture, au-devant de sa mère, le petit meuble charmant qui contenait encre d’azur (le docteur Récamier et les princesses l’aiment ; moi, je la hais), papier Surrey, plus brillant que le satin, plume d’acier, la première plume inventée par Perry, et cire d’Espagne, exhalant un léger et sombre parfum.

Gaston ouvrit le mignon pupitre, arrangea le cahier de papier et trempa la plume Perry dans l’encre bleue.

— J’ai des rivaux, murmura-t-il et le temps presse.

La princesse ne résista plus. C’était une femme de style, elle écrivit une lettre digne, concise, allant droit au but et souverainement convenable. Elle fut payée comptant, car Gaston l’embrassa, comme si elle eut été une pauvre bonne femme, à pleins bras et à pleines lèvres. Ils s’aimaient bien, la mère et le fils, mais ces gros baisers de mauvais ton sont rares chez les princesses. C’est pourtant une bien bonne chose.