Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/126

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eut la charité d’entamer avec lui la conversation, pour le désennuyer quelque peu. Elle revint en disant : « Autant vaudrait causer avec Schwartz, le chien de garde ! »

La nuit était tombée déjà depuis longtemps, quand le petit vieillard revint, il ne voulut point souper et monta tout de suite à sa chambre. À peine fut-il entré qu’il referma la porte à clef et rabattit les rideaux de serge de la fenêtre.

L’idiot alors sauta en bas de son lit et arracha de son front une perruque jaunâtre qu’il avait. Vous eussiez reconnu d’un coup d’œil la longue et maigre figure de M. le baron d’Altenheimer qui n’avait ni embelli, ni enlaidi.

— Sais-tu quelque chose, Bobby ? demanda-t-il vivement.

Bobby dépouillait sa barbe sale, qui gênait ses joues roses ; il plongea la tête dans une cuvette d’eau fraîche et montra le joli visage de Bénédict, le petit.

— Parbleu ! répondit-il, le pays n’a pas changé : ils sont toujours babillards comme des pies ! Je sais l’histoire depuis le commencement jusqu’à la fin !

Le grand William s’établit sur le pied de son lit pour fumer sa pipe de porcelaine.

— Marche ! dit-il.

— C’est bien le marquis Gaston, répondit Bobby en allumant un cigare. Il a donné le missel au vieux Jacobyi, qui a racheté sa masure…

— Alors, ils sont aussi voleurs que nous ! s’écria William. Car le missel ne leur devait que les cinq cent mille florins de la rançon de Lénor… et il a fallu six fois cette somme-là pour racheter le domaine !

Bobby haussa les épaules.

— S’ils avaient tout gardé, répliqua-t-il, je leur pardonnerais presque, car enfin, chacun pour soi, n’est-ce pas ?… Mais dès que le vieux Baszin a eu son château, ses forêts, ses étangs et ses champs, il a remis toutes les