Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/137

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ture dont je vais vous entretenir, Szeggedin était plein d’officiers de la police de Londres, qui suivaient nos deux fantômes à la piste.

Mon père fit monter toute sa maison à cheval et requit le concours de la force armée, afin de faire une battue générale dans les environs. La chasse commença vers la tombée de la nuit. À deux heures du matin, on eut connaissance des fugitifs, puis on les perdit de vue jusqu’au jour, où leur trace fut trouvée et suivie à vue. La trace conduisit mon père et sa troupe au milieu de la plaine du Grand-Waraden, à plus de vingt lieues de Chandor. Là, toute piste cessa. On eût dit que les deux fugitifs s’étaient envolés dans les airs. Mon père et ses hommes revinrent au château le surlendemain, après une journée de recherches inutiles.

Cependant, la nuit, après le départ de nos hommes, David Kuntz, le père de ma pauvre Efflam vint soulever, selon sa coutume, le marbre des tombes, et cette fois, ce ne fut pas en vain.

Sous le premier marbre, il vit un homme endormi ; sous le second, encore un homme qui dormait.

Il avait aiguisé un soc de charrue pour le mettre à rougir au feu pour brûler, le cas échéant, les cœurs de l’eupire et du vampire, mais le courage lui manqua. Il alla chercher seulement de grosses et lourdes roches, qu’il déposa sur les tables de marbre noir, de façon à ce qu’aucune force humaine ne pût désormais les soulever, après quoi, il passa plusieurs jours à rassembler des débris de bois, de l’herbe sèche et de la paille, dont il amoncela une énorme quantité au-dessus et autour des deux tombes.

Chaque fois qu’il revenait, il entendait des voix qui sortaient de terre et qui lui demandaient pitié. — Mais il n’avait garde.

Les voix devinrent graduellement plus faibles. Celle qui sortait de la grande tombe se tut la première, puis l’autre s’éteignit à son tour.