Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/168

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Sainte voulut fuir. Ses jambes fléchirent ; elle eût été bien vite atteinte, si une seconde décharge des Bleus, qui avaient franchi le talus à leur tour, n’eût mis le trouble parmi ceux qui la poursuivaient. Ils s’enfoncèrent rapidement dans les taillis qui bordaient un côté de la route.

Mais la décharge avait eu un autre résultat. Jean Brand, frappé de deux balles, était tombé aux pieds de Sainte.

— Jésus-Dieu ! dit-il, j’ai mon compte.

Les Bleus, sans se donner le temps de recharger leurs armes, s’étaient précipités sur les traces des fuyards.

Quand ils eurent disparu, Jean Brand se releva en chancelant. Ses traits exprimaient l’étonnement le plus profond.

— Mam’zelle, murmura-t-il, voyant que Sainte le soutenait, saviez-vous que c’est moi qui ai mis le feu à la maison de votre père ?

— Je le savais, répondit Sainte. Appuyez-vous sur mon bras.

— Et pourtant, reprit Jean Brand, vous avez laissé passer les Bleus sans leur dire : Le voilà ! tuez-le ! vous vous êtes placée devant moi pour me cacher, et maintenant, vous me soutenez comme si j’étais votre ami.

— Venez, interrompit Sainte ; votre sang coule, je vous panserai.

— Et tout à l’heure encore, continua Jean Brand, je proposais à mes hommes de vous saisir, vous m’avez entendu, n’est-ce pas ?

— Je vous ai entendu. Hâtons-nous, ils vont revenir.

— Mam’zelle Sainte, je pensais qu’au ciel seulement il y avait des anges !

On entendit au loin un nouveau bruit de fusillade.

— Venez, venez ! s’écria Sainte en l’entraînant.

Jean Brand se laissa faire. En marchant, il levait sur