Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/190

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votre fils, monsieur Saulnier, cela fera plaisir à mam’zelle Sainte… et je mourrai content.

Le docteur hésita un instant.

— Dépêchez-vous, murmura le bedeau ; si vous voulez que je voie ça, dépêchez-vous !

— Il ne sera pas dit que j’aie refusé la dernière demande d’un homme qui m’a sauvé la vie ! s’écria le docteur Saulnier.

Et il tendit les bras à son fils, qui s’y jeta en pleurant.

— À la bonne heure ! dit Jean Brand d’une voix si éteinte, qu’on pouvait à peine l’entendre : mam’zelle Sainte sera bien contente… et j’ai fièrement payé ma dette… principal et intérêts !

Vers sept heures, la porte de la cabane s’ouvrit. Sainte ferma les yeux instinctivement, et se recula, comme pour ne point voir ou entendre la confirmation de ses terreurs.

Mais deux voix connues prononcèrent en même temps son nom, et elle se trouva dans les bras de son père et de son frère.

Derrière eux était entré l’abbé de Kernas.

— Monsieur Saulnier, dit-il, remerciez Dieu d’avoir mis cet ange dans votre maison. Au milieu de ces luttes insensées, elle a pratiqué la loi du Seigneur, et le Seigneur l’en a récompensée dans ceux qu’elle aime. Vous, Sainte, ajouta-t-il en mettant un baiser au front de l’enfant, persévérez ; le rôle que vous avez pris, ma fille, a appelé sur ce qui vous entoure la miséricorde céleste… Adieu… quoi qu’il arrive, soyez toujours, au milieu des luttes politiques, l’ange de la paix, de la conciliation et de la pitié.

— Ne restez-vous point avec nous ? demanda René.

— Mon fils, répondit le prêtre, on se bat encore dans d’autres parties de la Bretagne ; je vais aller prêcher et consoler. Quand il n’y aura plus de malheureux à secourir au loin, je reviendrai.