Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/46

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Remerciez-moi, j’ai fait cadeau à votre Grandeur d’une véritable friandise. J’ai entre les mains les lettres de crédit de ce cher baron… hein ? quel original ? auprès du ministère de l’intérieur et de la préfecture de police. Il est très recommandé à la cour. Quant à l’autre, que de modestie ! et de distinction ! Il a un plein portefeuille de lettres de Rome, et l’archevêque primat de Gran l’appelle son cher fils…

— Mais comment se fait-il, murmure Mgr  de Quélen, que nous n’ayons jamais ouï parler de tout cela ?

— Je vous dis que c’est une friandise, et vous en avez la primeur !

— C’est d’hier ! Le baptême du prince royal de Wurtemberg a eu lieu à la fin d’août et nous sommes au commencement de septembre !…

— C’était il y a juste aujourd’hui quinze jours, reprit M. le baron qui paraissait avoir reconquis tout son calme. Stuttgard entier prenait part à une fête, dont la pareille ne s’était jamais vu chez nous. Cinquante princes et princesses des cours d’Allemagne et du Nord recevaient l’hospitalité au château, ce qui, joint à l’armée des princesses et princes du sang, formait une véritable cohue royale. Sa Majesté disait dans sa joie : « J’ai attendu deux ans et demi, mais le succès est complet. Il ne manquera aucune fée autour du berceau de mon fils ! »

— Certes, il appréciait comme il le devait la courtoisie des États allemands et du Nord, mais ce qui le flattait le plus, c’était ce tribut inespéré venant du midi ; ce qui lui faisait parler de succès complet, c’était la présence de don François de Paule, infant d’Espagne et de son auguste compagne, Louise-Charlotte de Bourbon, fille de François Ier, roi des Deux-Siciles.

« L’infant était un homme de vingt-trois ans, brun de teint, mais ne paraissant pas une semaine de plus que son âge. Il aurait fallu être sorcier pour démêler quelques traits de ressemblance entre ce fier et taci-