Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/57

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posséder à Paris. Un vol hardi, inouï, invraisemblable, a été commis hier chez M. le duc de Bourbon, — précisément l’un des protecteurs du baron d’Altenheimer ; — on a soustrait pour plus de cinquante mille écus de bijoux antiques dans sa galerie, trois miniatures d’Isabey, cinq de Mme  de Mirbel, deux émaux de Petitot et les trois gardes d’épée que feu M. le prince avait rapportées de Florence… Sa Majesté m’a fait mander aujourd’hui ; elle désire voir M. le baron d’Altenheimer.

— Et vos hommes sont-ils sur les traces des auteurs du vol.

— Monseigneur, M. le baron d’Altenheimer a amené avec lui une brigade de praticiens très habiles parmi lesquels se trouvent, dit-on, deux détectifs de Scotland-Yarb… ou, si vous ne connaissez pas la police anglaise deux limiers choisis parmi les plus fins qui soient à Londres… Le roi paraît désirer que M. le baron ait une liberté d’action… Je ne puis que m’effacer…

Le préfet de police ne prenait pas même la peine de cacher sa mauvaise humeur ; il était un peu jaloux du baron et trouvait malséant que l’on pût préférer à ses troupes éprouvées je ne sais quelles milices venant d’un petit pays qu’il eût couvert avec son pouce sur le planisphère.

Que ce soit dans un noble salon ou le long des trottoirs d’une rue boueuse, les rumeurs de cette sorte se répandent avec une magique rapidité. Cinq minutes après, on savait, sur les bancs réservés et jusque dans les moindres recoins, les circonstances du vol audacieux commis par les frères Ténèbre.

On ne doutait point que ce ne fussent les frères Ténèbre.

La gloire des frères Ténèbre, bien préparée par le récit de l’Allemand, était restée néanmoins sous le boisseau, tant que la corde sensible de l’égoïsme commun n’avait point été touchée. Souvenez-vous du saut immense que fit dans l’échelle de la renommée cet