Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/59

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— Ils y trouveront, répartit le baron, une personne qu’il est de leur intérêt d’approcher… et ils savent en outre que Mgr  l’évêque d’Hermopolis doit faire un sermon et une quête en faveur des chrétiens de Terre-Sainte.

— On peut remettre la partie, dit M. Frayssinous.

— Je conjure à genoux Vos Excellences de n’en rien faire ! s’écria M. d’Altenheimer, et je commence par leur engager ma parole d’honneur que ni l’illustre maître de cette maison ni ses hôtes n’ont absolument rien à redouter. J’ai des hommes à moi tout autour du château, et vingt-cinq gendarmes de la brigade de Bercy attendent la permission de monseigneur pour franchir la grille de son parc.

— À mon insu !… s’écria le préfet de police.

— Ils ont marché sur l’ordre écrit de M. le ministre de l’intérieur, dit le baron en tirant à moitié de la poche latérale de son frac, un large pli ministériel.

Le préfet l’arrêta du geste et poursuivit, non sans quelque dépit.

— C’est parfait… c’est au mieux !… Du moment qu’on peut se passer de moi…

— Illustre collègue, répartit M. d’Altenheimer en lui pressant les deux mains et d’un ton pénétré, si toutefois je puis employer ce mot vis-à-vis d’un homme tel que vous, nous livrons ici une bataille désespérée, et je vous supplie de ne me point retirer votre aide. Si une fois les frères Ténèbre passent le détroit et vont se perdre dans cette Forêt-Noire qu’on appelle Londres, il faudra renoncer à les poursuivre. Ai-je commis quelque faute contre l’étiquette ou négligé quelque formalité hiérarchique ? Pardonnez-moi, respectable monsieur ; je suis un étranger ; mon souverain m’a chargé d’une mission bien difficile : je fais de mon mieux…

Il avait presque des larmes dans la voix, cet honnête conseiller privé. Les deux prélats crurent qu’il était de leur devoir d’adresser au préfet quelques pa-