Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/63

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Mgr de Paris n’avait pas trop dit. L’admirable ovale de ce visage encadré dans une rayonnante chevelure blonde rappelait en effet les suaves profils que l’imagination des maîtres du pinceau a prêtés aux envoyés célestes. Elle paraissait avoir dix-huit ans tout au plus. Ses regards limpides et doux avaient comme un voile de mélancolie. Elle était belle comme un rêve de Raphaël…

Ah çà ! la fantaisie a cependant des bornes ! Se pouvait-il que cette tête séraphique appartînt réellement au sordide roumi de la campagne de Szeggedin, au compagnon du bandit Mikaël, à frère Ange Ténèbre le vampire ? Nous parlons ainsi, parce que cette pensée donnait la fièvre aux trois quarts de l’assemblée. Tout le monde avait mesuré d’un coup d’œil le rapport existant entre la stature de M. le baron d’Altenheimer et celle de son jeune frère, monsignor Bénédict. Le rapport était à peu de chose près le même entre cette adorable jeune fille et le vieillard qui l’accompagnait.

Les dernières paroles du baron, dénonçant les déguisements possibles des frères Ténèbre, avait été : Un père et sa fille, et voilà que justement, par un véritable coup de théâtre, une fille entrait en scène avec son père ?

Notez bien que ces frères Ténèbre étaient capables de tout. Le vampire n’avait-il pas joué à Stuttgard le rôle de l’infante d’Espagne ? Cinquante regards interrogeaient avidement le baron d’Altenheimer, qui avait repris sa place auprès de la porte d’entrée et aussi monsignor Bénédict, debout à ses côtés.

Mais M. le baron restait impassible, et monsignor Bénédict gardait aux lèvres son plus mielleux sourire.

Cela ne prouvait rien, veuillez réfléchir : c’étaient deux hommes adroits, et il ne fallait pas que les frères Ténèbre pussent se douter qu’on soupçonnait leur présence.

Certes, elle était bien belle, cette jeune fille, mais à