Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/66

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mes roulèrent dans les rides de ses joues. Mlle d’Arnheim rougit, salua profondément, saisit le bras de son père et disparut.

Mgr de Quélen fit le tour de son cercle et recueillit les suffrages avec un paternel plaisir. On entendait de toutes parts : Charmant ! charmant ! un gosier admirable ! de l’âme ! un merveilleux style !

Ceux qui ont l’oreille fausse et sourde, majorité dans toute salle de concert, parlaient plus haut que les sensitifs, et ces dames, rendues corps et âme à leur nouvelle profession, enchérissaient chaudement sur le tout.

Et tout en applaudissant, on interrogeait de l’œil d’un bout du salon à l’autre M. le baron d’Altenheimer.

M. le baron d’Altenheimer était redevenu statue. Son regard, mystérieux comme un livre fermé, ne répondait rien à tous ces beaux yeux interrogateurs qui se fixaient sur lui. Le moment n’était pas arrivé : il fallait de la prudence !

Il y avait cependant une curiosité qui bouillait mieux et plus fort que les autres impatiences. Mme la princesse n’y tenait plus ! Elle se tourna vers son fils qui rêvait dans son embrasure, et lui fit signe de la venir trouver. M. le marquis de Lorgères obéit.

— Gaston, lui dit-elle tout bas et avec beaucoup de mystère, vous savez ce qui se passe ici ?

— Ce qui se passe, madame ? répondit Gaston ; oui, certes.

— Voulez-vous me rendre un service ?

— Avec plaisir.

— Ce serait de lier conversation… adroitement, vous comprenez… avec M. le baron d’Altenheimer, et…

« Mais, fit-elle avec découragement, vous êtes si timide, mon pauvre enfant.

Elle ajoutait en elle-même, nous le croyons : et si simple !

— Et quoi ? demanda cependant Gaston d’un accent que sa mère trouva, ma foi ! fort délibéré.