Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/101

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bouche du maître de Penhoël. Ses traits, dont la régularité lourde n’exprimait, d’ordinaire, que l’apathie et la paresse de l’intelligence, reflétaient maintenant d’énergiques émotions.

On eût suivi sur sa physionomie violemment agitée les traces successives de la colère, de la jalousie, de la douleur poignante, et peut-être aussi du remords.

Il avait bu la moitié du flacon d’eau-de-vie. L’alcool se joignait à la passion excitée pour fouetter la pesanteur épaisse de son sang.

Un instant, son regard allumé enveloppa sa femme et sa fille dans une menace muette, mais terrible.

Ce ne fut qu’un instant. À la voix de l’oncle Jean, ses traits se détendirent, et sa paupière se baissa comme pour contenir une larme.

Durant deux ou trois secondes, il lutta contre lui-même ; puis il cacha son visage entre ses deux mains.

— Mensonge !… mensonge !… murmura-t-il. Je suis le maître ici, et je défends à qui que ce soit de dire que mon frère Louis est mort !…

Personne ne répliqua. Un sanglot souleva la forte poitrine de Penhoël.

— Louis !… mon frère Louis !… reprit-il à voix basse ; tout le monde sait combien je l’aimais !… Non, non, il n’est pas mort !… Dieu