Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/15

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trop tardé ; il fallait économiser sur ta part. L’œil de Robert eut un rayonnement hostile, mais sa main se retira.

— Tu n’as pas de cœur !… murmura-t-il.

— J’ai faim, répliqua le gros garçon.

Il vida dans le verre de son compagnon le reste de la dernière bouteille, et frappa sur la table à grand bruit.

— D’autre vin ! cria-t-il à la servante qui accourait ; du tabac et des pipes !…

Quelques secondes après, ils ne se voyaient plus qu’à travers un nuage. Blaise était dans un état de béatitude incomparable ; il ne songeait ni à la veille ni au lendemain. Robert lui-même avait évidemment subi l’influence heureuse du copieux repas qui venait après une longue diète ; son visage exprimait le bien-être et le repos ; mais il semblait réfléchir toujours.

— Est-ce que tu me gardes rancune ? demanda l’Endormeur.

— Pourquoi ?…

— Pour Lola.

— Non.

— À la bonne heure !… Vois-tu bien, Robert, si je te savais amoureux, je te passerais pas mal de choses… Mais du diable si tu es capable d’être amoureux, toi !

Robert, qui venait de bourrer sa pipe, regar-