Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cœur honnête lui avait expliqué le courroux de Montalt.

— Milord, répliqua-t-il en surmontant son embarras, il se peut que vous n’ayez plus rien à me dire, mais moi je ne suis pas dans le même cas… j’ai compris que mon silence était de l’ingratitude…

— Je vous déclare, M. Vincent, interrompit Montalt, que je n’ai aucune espèce d’envie d’entendre votre histoire.

Il fallait du courage pour passer outre.

Vincent franchit à pas lents la distance qui le séparait du nabab, et prit sa main avec une respectueuse hardiesse.

— Vous m’avez fait un reproche cruel, dit-il doucement ; c’est pour moi que je vous prie de m’entendre… Je crois que vous avez rencontré des hommes mauvais en votre vie, milord… Au moins, si vous vous souvenez de moi, vous direz qu’il est en Bretagne un cœur confiant et reconnaissant…

— Orgueil !… pensa tout haut Montalt dont la voix était pourtant radoucie ; dites ce que vous voudrez, je vous écoute.

Le jeune matelot se recueillit un instant ; et à mesure qu’il faisait retour vers le passé, un nuage de douleur profonde venait voiler son regard.