Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/245

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C’eût été pitié que de voir, si près de cette joie bruyante, la scène solitaire et désolée qui avait lieu dans la loge du pauvre passeur.

L’intérieur de la cabane était tel que nous l’avons vu dans la première partie de cette histoire : un grabat entre quatre murailles nues et humides, auxquelles pendaient çà et là quelques instruments de pêche.

Mais le grabat semblait plus misérable encore qu’autrefois ; les murailles s’étaient lézardées, et les filets de pêche tombaient en lambeaux.

Benoît Haligan paraissait avoir subi l’effet du temps plus cruellement encore que sa loge ruinée. Il était étendu sur son grabat, hâve comme un spectre, la bouche béante et les yeux fixes. Son souffle râlait dans sa gorge, et des gouttes de froide sueur brillaient sur sa joue livide à travers les poils longs et clair-semés de sa barbe.

Il ne bougeait pas. Seulement, lorsqu’un pétard détonait au haut de la montagne, ses lèvres se prenaient à remuer lentement.

Il murmurait une prière pour les bleus qu’il avait tués sur la lande, durant les guerres de la chouannerie…

Il y avait bien des mois que le vieux passeur gisait ainsi sur son lit de souffrance. Depuis deux années et plus, il n’avait pas mis le pied