Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/25

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pour porter les bottes presque neuves, le chapeau noir et le reste du costume bourgeois. Le lendemain venaient les gros souliers invalides, la blouse et la casquette.

Robert mit son verre vide sur la table.

— Il s’agit d’une fortune ! dit-il sans élever la voix, mais avec emphase ; voilà des mois entiers que j’arrange tout cela dans ma tête… J’aime à mûrir un projet, vois-tu bien, et si nous n’étions pas au bord du fossé, j’attendrais volontiers encore…

— Quant à cela, interrompit Blaise, moi j’aime assez à faire les choses en deux temps ; mais reste à savoir qui sera le maître et qui sera le domestique…

L’Américain plongea sa main sous sa blouse et ramena un jeu de cartes dont la couleur annonçait un fort long usage.

— On peut jouer ça, dit-il.

L’Endormeur regardait avec une certaine défiance les doigts de son compagnon, qui mettait à brouiller les cartes une surprenante agilité.

— Hum !… fit-il en secouant la tête ; c’est que tu joues diablement bien, M. Robert !

Celui-ci cessa de mêler son paquet de cartes.

— Il y a un autre moyen, murmura-t-il ; partageons et séparons-nous !

Blaise fronça le sourcil et ne répondit point.