Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/80

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Son sourire était rêveur et beau comme le sourire d’une femme.

Il parlait peu ; quand il parlait, on s’étonnait d’ouïr la voix douce et musicale qui tombait de cette bouche sexagénaire.

Il portait la veste de futaine des paysans du Morbihan, et sa chaussure consistait en gros sabots, bourrés de peau de mouton.

Les deux autres joueurs n’étaient rien moins que le père Chauvette, maître d’école au bourg de Glénac, et maître Protais le Hivain, jurisconsulte rustique, chargé de cultiver le goût des procès à cinq ou six lieues à la ronde.

La Bretagne aime les procès presque autant que la basse Normandie : il y a des bourgades trop pauvres pour entretenir un médecin et qui jouissent de leur homme de loi.

Cela ressemble à ces petits arbres indigents, maigres, étiolés, où se prélasse quelque grosse et laide chenille…

Le père Chauvette était un petit homme gras, simple d’esprit, paisible de mœurs et content de tout le monde, excepté de M. le Hivain, son ennemi naturel. L’homme de loi avait une figure étroite, sèche, bilieuse, qui essayait perpétuellement de sourire. Malgré sa gaieté humble et grimaçante, on devinait en lui l’esprit envieux et méchant. Sa longue tête osseuse, couronnée