Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oh !… s’écria Roger, parce que j’aime, moi, je me défie !… C’est tout mon bonheur et tout mon espoir !… Si je pensais que Cyprienne en aimât un autre !

Il s’arrêta, et reprit avec amertume :

— Mon Dieu ! cette idée-là me vient souvent… Et comment ne me viendrait-elle pas ?… Tu dis que tu as vu bien des choses !… Mais il y a voir et voir… Ce que j’ai vu, moi, est tellement étrange, que j’hésite à le confier même à mon meilleur ami. Et pourtant, poursuivit Roger après avoir attendu une question qui n’était point venue, cela me pèse trop sur le cœur !… Te souviens-tu, Étienne, de cette soirée que nous passâmes à parler d’elles au bord du marais, de l’autre côté de Glénac ?… L’heure nous surprit… Quand nous rentrâmes au manoir, le souper était fini depuis longtemps, et tout le monde dormait… Nous le croyions du moins… Nous prîmes chacun sans bruit le chemin de notre chambre.

« La lampe du grand corridor était éteinte… Il me semblait entendre devant moi un bruit de pas légers et timides… Je m’avançai les bras tendus, touchant des deux côtés les murs du corridor…

« Le bruit avait cessé à mon approche… Je croyais m’être trompé, lorsque je sentis sous mes doigts deux coiffes de toile qui glissèrent au