Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/39

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et doublez le fardeau de mes autres douleurs !… »

— Je voulais dire, reprit-elle tout haut, qu’il n’y a pas de ta faute, ma pauvre Blanche… Les enfants ne savent pas voir clair au fond de leur propre cœur… Je me souviens du temps où j’étais à ton âge…

— Que tu devais être belle et aimée !… murmura Blanche, qui regardait Madame avec l’admiration de son amour filial.

— J’étais comme toi, Blanche, moins jolie que toi, et j’avais perdu ma mère… Oh ! il me semble que si j’avais eu ma mère auprès de moi comme tu as la tienne, ma pauvre enfant chérie… il me semble que ma vie eût été autrement… Mais que vais-je dire là ? se reprit-elle en retrouvant dans son courage la force de sourire encore ; je te ferais croire que je suis malheureuse !

Blanche, qui s’était redressée un instant avec inquiétude, posa de nouveau sa tête paresseuse sur le sein de sa mère. En ce moment où sa souffrance faisait trêve, elle subissait l’effet des fatigues de la journée. Ses paupières battaient appesanties, et le sommeil effleurait déjà son beau front.

Madame voyait cela, et pourtant elle ne pouvait réussir à formuler enfin la question qui était toujours sur sa lèvre.