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LES BELLES-DE-NUIT.

Il y avait dans les inflexions de sa voix une franchise si communicative et si bonne qu’Étienne ne put s’empêcher de se retourner tout à fait. L’Anglais souriait, son sourire attirait comme un charme ; son accent britannique lui-même, si désagréable tout à l’heure, s’adoucissait et n’était plus qu’une sorte d’assaisonnement à son langage.

— S’il ne vous faut que des excuses, reprit-il avec une grâce avenante et pleine de rondeur, je vous en offre bien volontiers… Chacun a ses travers en ce monde : un peu plus, un peu moins… Moi, j’en ai un peu plus… mais, voyez-vous, je suis déjà un vieil homme… et j’ai bien souffert en ma vie… Allons, prenez ma main et soyons amis.

Étienne n’eut même pas la pensée de refuser. Ce sentiment de sympathie respectueuse qu’il avait éprouvé en contemplant l’étranger pour la première fois se réveillait plus vif en lui, et déjà toute trace de rancune était effacée.

Il donna sa main ; l’Anglais la toucha cordialement et poursuivit :

— C’est cet odieux ciel de Bretagne, qui me donnait la migraine et me rendait nerveux comme une vieille femme !

— Ah çà !… dit Étienne en souriant, vous détestez donc bien cette pauvre Bretagne ?