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LES BELLES-DE-NUIT.

n’ont pas d’autre ressource en ce monde que l’appui de René de Penhoël.

Les deux amis étaient assis l’un près de l’autre sur le lit d’Étienne ; il y eut un silence ; tous deux baissaient la tête et se donnaient à leurs réflexions tristes.

— Mais foin de l’inquiétude ! s’écria tout à coup Roger en sautant sur ses pieds ; Penhoël a toujours bien quelques mois devant lui… pendant ce temps, nous travaillerons… Et si Dieu nous aide, les deux filles de l’oncle Jean n’auront plus besoin de la protection de personne… Fais-moi servir à souper, veux-tu ? car j’ai dépensé mon dernier sou en route et j’ai une faim de possédé !

Étienne sonna, et Roger fut bientôt devant les restes à demi froids du repas des voyageurs.

— Tout n’est pas malheur…, reprit-il la bouche pleine, et j’ai à remercier le hasard qui m’a fait te rejoindre enfin !… Si je t’avais manqué ici, j’étais un homme perdu… Impossible d’aller en avant ou de retourner en arrière… car j’ai laissé ma montre à Penhoël, et mon costume de chasse ne vaut pas un louis… Vive la cuisine d’auberge, ma foi !… c’est détestable, et cela se mange avec un plaisir !…

— Parlons donc un peu du manoir…, dit Étienne.