ce monde ? Je n’ai plus de famille ; mon avenir est sans but et mon passé n’est qu’un regret amer…
« Mon Dieu ! avais-je mesuré mes forces quand j’ai accompli ce sacrifice ?
« Je ne m’en repens pas, mon frère ; je vous voyais dépérir et changer, vous dont l’adolescence était naguère si belle ; je cherchais à deviner votre mal, et un jour, couché dans votre lit où vous clouait la fièvre, vous me dîtes :
« — Je vais mourir, parce que je l’aime…
« Dieu me dicta mon devoir.
« Vous me devinez, n’est-ce pas ?… Je vous vois d’ici René ; vous avez des larmes dans les yeux et vous dites :
« — Pauvre frère, il l’aimait donc lui aussi !… »
René interrompit sa lecture en effet, mais ce fut pour boire un grand verre d’eau-de-vie. Il s’endurcissait à plaisir, et l’épais sourire qui raillait naguère autour de sa lèvre était revenu.
Il y avait de l’horreur dans le regard timide que Marthe jetait sur lui.
« … Pauvre frère, il l’aime lui aussi, répéta-t-il comme un enfant qui épelle.
« Car, poursuivait la lettre, quand je vous ai dit en partant que je ne l’aimais pas, je vous ai trompé, mon frère.