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CHAPITRE XIX.

— C’est par une nuit semblable, dit-il, que j’ai ouvert les portes du manoir à l’homme qui nous chasse aujourd’hui… Ne trouverai-je donc pas où abriter ma tête, moi qui n’ai jamais refusé l’hospitalité à personne ?… Hormis à un, pourtant ! se reprit-il tout bas.

Et il ajouta en pressant à deux mains son front mouillé :

— Ô mon frère !… mon frère !… Dieu te venge !

— Allons, mon neveu, dit l’oncle Jean qui secoua son abattement et feignit une sorte de gaieté, nous n’en sommes pas là, Dieu merci !… C’est un orage à essuyer, voilà tout !… La belle affaire pour un chasseur !… Au pis aller, nous sommes bien sûrs de trouver un accueil cordial chez notre vieil ami l’aubergiste de Redon.

— C’est vrai !… dit vivement Penhoël, celui-là nous aime… et il est assez riche pour nourrir Marthe, tandis que j’irai, moi, Dieu sait où.

— Où vous irez, je vous suivrai, Penhoël…, répliqua Madame…

René fit comme s’il n’avait pas entendu.

— Il faut que j’aille bien loin, reprit-il ; bien loin !… car ces gens conservent une arme contre moi… et tant qu’ils me verront à portée de leurs coups, ils frapperont sans pitié ni trêve… Jusqu’à ma mort, voyez-vous, ils auront peur de