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CHAPITRE IV.

Il montra du doigt la bouteille vide, qui était auprès de lui sur le soliveau.

L’oncle Jean fit comme s’il n’avait pas entendu, et gagna le lit du malade.

Penhoël grondait entre ses dents :

— Ils m’ont mis là tous deux !… tous deux !… mon frère et ma femme !…

— Eh bien ! mon vieux Géraud, dit l’oncle, comment ça va-t-il ce soir ?

Géraud fit effort pour se soulever sur le matelas.

— Que Dieu vous bénisse, Jean de Penhoël !… répliqua-t-il d’une voix épuisée ; la fièvre me tient bien fort… Ah ! si je m’en allais, ce serait pour le mieux, car je ne pourrai pas travailler de longtemps.

— Vous vous guérirez plutôt, mon brave ami… Et nous verrons tous ensemble de meilleurs jours !

— Je ne sais pas…, dit le vieil aubergiste ; je ne sais pas, M. Jean !… Me voilà bien bas et je ne suis plus jeune… Si le bon Dieu voulait que je visse seulement le fils de mon commandant et notre pauvre dame tirés de cet enfer, je n’aurais pas de chagrin à mourir… Mais ça dure… ça dure !… Et moi, je ne fais que leur prendre chaque jour la moitié de leur pain…

Il se laissa retomber sur sa couche. L’oncle