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CHAPITRE V.

Durant cette complaisante énumération, Diane et Cyprienne avaient les yeux baissés. On rouvrait en quelque sorte leur plaie vive ; on appuyait le doigt brutalement sur cette intolérable souffrance, la faim, qu’elles essayaient en vain d’oublier.

Madame Cocarde les lorgnait par-dessous sa paupière clignotante.

— Je ne suis pas ce qui s’appelle une gourmande…, poursuivit-elle ; mais j’avais déjeuné plus matin qu’à l’ordinaire… et c’est si bon de manger quand on a grand’faim !

Cyprienne poussa un gros soupir. Chacune de ces paroles doublait les déchirants élancements qui tiraillaient son estomac vide. Diane souffrait autant que sa sœur ; mais elle restait forte comme toujours, et aucun signe de malaise ne paraissait sur son visage.

— Et vous, mes belles…, reprit gaiement madame Cocarde, comment avons-nous dîné aujourd’hui ?… Je m’intéresse à cela, moi, parce que je vous aime.

Les deux jeunes filles ne répondirent point. Sous la paupière brûlante de Cyprienne, il y avait une larme d’angoisse.

— Eh bien ?… continua la principale locataire ; on ne veut donc pas me dire ses petits secrets de ménage ?… On a honte peut-être ?…