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LES BELLES-DE-NUIT.

— C’est-à-dire que vous me chassez ! s’écria la petite femme, moi, votre meilleure amie !… Et pourquoi ?… Parce que je veux changer votre misère en bonheur… parce que je suis franche et que je ne puis pas cacher mon dépit de vous voir comme ça sans ressource, vous qui pourriez avoir une maison et de beaux meubles, et tout !

Elle se leva dans un mouvement tragique, appris quelque part au théâtre, et qui rendait tant bien que mal l’amertume du dévouement méconnu ; puis elle ajouta sans s’éloigner encore :

— Souvenez-vous de ce que je vous dis là !… J’ai l’expérience… et je vous promets que vous vous mordrez les doigts, mes poulettes, plutôt dix fois qu’une, à cause de votre conduite de ce soir… Mais dame ! qui refuse muse !… On n’attendra pas ces demoiselles jusqu’à la fin du monde… Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! comme si on ne savait pas ça par cœur !… Nous sommes toutes la même chose !… On se rebiffe ; on fait la petite rageuse ; on rejette bien loin la fortune… Puis on se lasse, je dis les plus fières ! Et telle qui a repoussé tout l’or de la terre, des bijoux, des toilettes, des rentes… une situation, quoi ! prononça madame Cocarde avec emphase, se laisse prendre par un artiste ou un va-nu-pieds.