Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/22

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— J’étais très drôle dans le temps, murmura-t-il, j’avais le mot pour rire. Buvez votre café pendant qu’il est chaud, mon camarade. Chacun de nous a ses chagrins et ses embarras, c’est certain. Voulez-vous que je vous dise ? vous êtes un ambitieux maté et rentré, mais au fond vous avez des désirs de tous les diables.

Ses yeux rencontrèrent ceux de Vincent, qui portait la demi-tasse à ses lèvres. Vincent eut comme un frisson.

Le vieillard grignotait son petit morceau de sucre.

— Cela va m’agiter, reprit-il, je le sais bien, mais je ne suis pas prêt de me mettre au lit. Nous avons à travailler tous les deux cette nuit.

L’effroi se lisait de plus en plus distinctement dans le regard de Vincent.

— Ah çà ! ah çà ! mon compagnon, demanda tout à coup le colonel, est-ce que j’ai affaire à une poule mouillée ?

— Vous avez parlé de tuer un homme… balbutia Vincent.

Le colonel eut un petit rire sec et sourd.

— Sangodémi ! s’écria-t-il, le drôle se tuera bien tout seul. Sois tranquille, et laisse-moi te tutoyer, ça m’est plus commode. Nous disons donc que la petite Irène sera mise dans une bonne pension et que le jeune Reynier ira au collège, Fanchette le veut,