Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/59

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— Allons, allons, dit-il en haussant les épaules, je suis fou ! fou à lier !

Et il reprit sa route vers l’École militaire à pas lents, la tête courbée sous le poids des pensées qui se mêlaient dans son esprit comme un chaos.

Vincent Carpentier était un honnête homme, mais les ambitions de sa jeunesse avaient été déçues.

Il avait rêvé la fortune autrefois, peut-être la renommée, et tout au fond de son obscurité, la main glacée de la misère le tenait à la gorge.

L’image de sa fille passa devant ses yeux dans la nuit. Il adorait cette blonde petite Irène qui était tout le portrait de sa mère adorée.

Il vit aussi Reynier, un noble enfant, qui s’était fait le serviteur de son indigence.

À Paris, personne n’ignore le prix que peut valoir un secret.

Mais, je le répète, Carpentier était un honnête homme ; il pensa :

— Le colonel a justement promis de mettre Irène en pension et Reynier au collège. Ai-je le droit de juger celui que toute la ville regarde comme un saint ?

Il tournait l’angle occidental de l’école et pressait le pas pour regagner enfin sa demeure, lorsqu’une pensée le frappa et l’arrêta comme si la main d’un homme robuste l’eût saisi en arrière par le collet.

— Je me souviens ! s’écria-t-il en touchant son