Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/70

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Certes, un curieux, placé aux écoutes, aurait eu de la peine à deviner le sens de cette phrase, qui n’avait aucun lien possible avec la précédente.

Vincent lui-même s’étonna de l’avoir prononcée, car il ajouta :

— Décidément, je deviens fou ! Ce front ridé comme un parchemin antique me poursuit. Je vois partout ce sourire pétrifié, mais narquois, cette gaieté qui fait peur, cette bonhomie qui donne froid à la pensée…

Il posa sa main sur l’épaule de Reynier, qui s’éveilla en sursaut.

— Mon drôle, dit-il en jouant la sévérité, je t’avais défendu de travailler la nuit.

— Que Dieu soit loué, père, répondit l’adolescent, j’avais crainte d’un malheur en ne vous voyant pas revenir. Je suis resté à l’ouvrage en vous attendant… Pourquoi me regardez-vous ainsi, père ?

Les yeux de Vincent restaient, en effet, fixés sur lui et trahissaient une préoccupation singulière.

Il pensait :

— Je ne suis pas fou. La ressemblance existe. Les rides n’y font rien.

Il ajouta tout haut :

— N’essaye pas de mentir, garçon. Où aurais-tu pris ce talent si tu ne travaillais pas la nuit ? Je ne connais pas de meilleur cœur que le tien ; mais il ne faut jamais se cacher, même pour bien faire.