Page:Féval - Les contes de nos pères, 1845.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
LES CONTES DE NOS PÈRES.

aux descriptions des vaillants travaux et beaux coups de lance du chevalier croisé ; puis, quand le voyageur se taisait enfin, elle le récompensait généreusement, et disait d’une voix timide :

— L’amour d’une reine n’est point au-dessus de si grande gloire… Sire pèlerin, apprenez-moi, je vous prie, à quelle princesse le comte Addel a donné son cœur.

— On ne lui connaît point d’amour, répondait le pèlerin.

— Il doit porter les couleurs de quelque noble dame ?

— Il ne porte point de couleurs.

— Son écu doit avoir une devise ?

— Point de devise à son écu !

Rachel rougissait et souriait.

Une fois, un pèlerin qui avait approché le comte Addel de plus près que les autres, sut donner un renseignement plus précis.

— Le beau chevalier, dit-il, n’a ni écharpe, ni devise, mais il porte un anneau d’or à son doigt. Sur cet anneau j’ai lu deux mots.

— Quels mots ? demanda Rachel avec une ardente curiosité.

Cinq ans, répondit le pèlerin.

Ce pèlerin fut récompensé plus richement que les autres.

Rachel n’avait pas attendu cette révélation pour deviner le fils de Gérard Lesnemellec sous le brillant manteau de gloire que s’était fait le comte Addel. Elle avait tenu, entière, la promesse faite autrefois en l’église de Rennes : elle gardait son cœur en attendant que les cinq ans fussent écoulés.

Or, ce terme de cinq ans, comme on le pense, elle l’avait fixé à dessein, afin qu’Addel revît la Bretagne lorsqu’il serait