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FORCE ET FAIBLESSE.

— Tu t’es battu ! interrompit vivement Bertrand.

— Plaisante question, frère ! J’ai bientôt dix-neuf ans.

— Et avec qui t’es-tu mesuré ?

— Je ne sais… Avec l’un, puis avec l’autre… Mais laissons là ces bagatelles.

Il y avait plein contraste entre l’inquiète sollicitude de Bertrand et l’indifférence de Roger.

— Laissons cela, en effet, dit l’aîné de Saint-Maugon. Je vois que, sur ce sujet, nous ne pourrions point nous entendre. Je n’aime pas, moi, ces combats de mode, où deux bons serviteurs du roi se vont tuer par plaisanterie, et comme on va danser une courante.

— C’est le devoir d’un gentilhomme.

— C’est la manie d’un fou, quand ce n’est pas la faiblesse d’un enfant… Moi, aussi, j’ai tiré l’épée, Roger ; mais ce fut à contre-cœur, et malgré moi.

— Vous êtes sévère, monsieur mon frère, dit Roger, d’un ton de reproche.

— Pardonne-moi… c’est vrai… J’aurais dû garder ces paroles de blâme. Mais, je t’aime tant, Roger !

Celui-ci rappela son sourire et pressa la main de Bertrand contre son cœur.

— Frère, dit-il d’une voix caressante et pleine de joyeuse malice ; à ma prochaine affaire, je viendrai prendre tes graves conseils… Et, puisque tu ne veux point parler de duels, parlons amour.

— Es-tu donc amoureux ?

— J’ai dix-neuf ans, répéta Roger avec une comique emphase.

— C’est juste… Et peut-on connaître ?

— Chut !… Nous savons sur le bout des doigts notre code